Publié le : 16 juillet 202018 mins de lecture

Choisir son accouchement

Des couples et des femmes de plus en plus nombreux sont aujourd’hui en quête de «naissance douce pour leurs bébés». Ce sont souvent des femmes qui ont été déçues par un premier accouchement qu’elles ont mal vécu ou qui ne s’est pas déroulé comme elles l’espéraient.

Elles se sont senties souvent dépossédées de leur accouchement par des médecins qui n’ont pas voulu faire confiance à leur corps, qui leur ont fait subir des techniques médicales inutiles et traumatisantes sans leur donner d’explication, qui les ont séparées sans raison de leur nouveau-né. Ces femmes ont été meurtries parce qu’elles savaient au plus profond d’elles-mêmes que leur accouchement aurait pu se dérouler différemment. Il aurait pu, si elles ne s’étaient pas retrouvées seules, sans soutien, ligotées sur la table d’accouchement, traitées par des médicaments visant à accélérer ou ralentir le travail, déchirées, recousues… bref, si elles avaient été traitées humainement.

Pour une seconde naissance, elles décident de faire appel à des sages-femmes qui pratiquent des naissances douces ; elles décident de dire non au déclenchement de «convenance», à la péridurale de «confort», à l’épisiotomie de «routine», et souvent à l’hôpital lui-même.

Qu’est-ce qu’une naissance douce ?

Une naissance douce, est une naissance au cours de laquelle on se focalise sur le vécu de la femme. On respecte le rôle clé de la mère, on reconnaît qu’elle est capable de faire naître son bébé à son rythme et à sa manière en faisant confiance à son instinct et à son intuition. On donne toute sa puissance à Ia femme qui accouche.

Dans une naissance douce, on admet que le bébé participe consciemment à sa naissance, on l’accueille dans un environnement paisible et affectueux, ce qui crée des liens entre tous les membres de la famille. Il y a des naissances douces dans le monde entier :

– dons les maisons où l’accouchement est naturel et se déroule sans interventions extérieures,

– dons les centres de naissance, dont on commence à voir l’émergence ici ou là, mais pas en France (!)

– dans certains hôpitaux qui répondent aux besoins et aux désirs des familles d’aujourd’hui.

De plus en plus de femmes recherchent, pour donner naissance à leur bébé, des méthodes naturelles, centrées sur la famille. Elle vivent cette accession à la maternité comme une affirmation de la vie, dépourvue de la souffrance et du traumatisme qui ont toujours été associés au travail et à la délivrance. Elle considèrent leur accouchement comme l’une des expériences les plus extraordinaires de leur vie, comme un moment où elles peuvent être les témoins de Ia force et de la sensualité de leur corps. Mais elles savent aussi que la naissance d’un bébé est souvent un dur travail, un effort mettant à l’épreuve leur résistance physique et émotionnelle. C’est la raison pour laquelle elles exigent un maximum de formation et de soutien. Ce n’est que depuis une quinzaine d’années que les femmes considèrent comme un droit la possibilité de choisir leur accouchement. Jusqu’alors, il ne leur venait pas à l’idée de remettre en question les techniques médicales ou les règlements des maternités car elles auraient passé pour de mauvaises mères ou pour des femmes prêtes à mettre la vie de leur bébé en danger.

Aujourd’hui, elles sont soutenues par de nombreux parents, médecins, sages-femmes qui considèrent que l’accouchement est un événement intime et naturel qui se déroule normalement dans 90% des cas et qui pensent que les interventions médicales doivent être réservées aux accouchements à haut risque.

Les ingrédients d’une naissance douce

1. La confiance

Le conditionnement social précis, consistant à faire croire aux femmes qu’elles sont incapables d’accoucher normalement doit être remplacé par l’idée que le corps de la femme sait accoucher et que son bébé sait naître. Car alors, elle retrouve Ia confiance.

Elle a besoin d’être aimée par ceux qui l’entourent de façon à se sentir suffisamment à l’aise pour suivre son instinct. Si on lui fait confiance, elle se fait confiance à elle même. Elle fait confiance à son corps, à son partenaire, à son bébé et à l’événement dans son ensemble en respectant son intuition. Elle ressent la puissance du processus de la naissance et ne lutte pas contre lui.

2. La préparation

D’après Michel Odent, une femme ne peut pas apprendre à accoucher car l’accouchement est un processus involontaire qui met en jeu des structures anciennes, primitives, mammaliennes du cerveau. Les informations qui préparent donc le mieux une future mère à une naissance douce sont celles qui lui rendent sa foi en sa capacité d’accoucher naturellement. Si elle est sûre d’elle, elle se laisse moins facilement détourner de ce qu’elle veut et de ce qu’elle sait être juste et bon pour elle et pour son bébé. Si elle est en paix avec son partenaire et avec sa famille, elle retrouvera auprès d’eux réconfort et énergie et aura envie de les faire participer.

3. La visualisation

Visualiser consiste à voir un événement ou un but désiré comme s’il était réellement arrivé. Toute action est précédée d’une pensée. Si une femme enceinte a peur d’accoucher, il peut être intéressant pour elle de se visualiser en train de se détendre, de s’abandonner et de faire naître son bébé avec facilité. Il est très important qu’elle ait une image de la manière dont elle aimerait que son accouchement se déroule.

On demanda à un groupe de 20 femmes qui avaient eu une césarienne si, avant le début du travail, elles s’étaient vues en train d’accoucher: étonnamment, une seule répondit par l’affirmative.

En visualisant un accouchement correspondant à ses désirs, Ia future mère l’intègre consciemment à son état psycho-corporel et en fait une réalité consciemment décidée.

4. Un environnement rassurant

Lorsque la femme est dans un environnement confortable, sans distractions (allers et venues de personnes étrangères dons la pièce, par exemple), rassurant, elle passe plus facilement dans un état de conscience dominé par l’instinct dans lequel le travail se fait spontanément et où les sensations douloureuses sont nettement atténuées. Le cerveau sécrète alors des endorphines qui sont des analgésiques et tranquillisants naturels de l’organisme.

Ces endorphines ont un effet sédatif sur la perception de la douleur. Plus le corps réagit à l’ocytocine naturelle qui fait contracter l’utérus, plus il y a d’endorphines libérées dans le système, ce qui diminue la douleur et crée un sentiment de bien-être.

Si la femme est traitée de manière impersonnelle, dans l’environnement froid d’un hôpital, qu’on lui injecte des hormones synthétiques, des médicaments, elle répond par l’inhibition et la peur. Le corps se replie alors sur lui-même en bloquant la libération d’endorphines et en produisant de l’adrénaline qui fait ralentir ou bloquer le travail.

On sait aujourd’hui que pour rendre un accouchement plus facile, c’est à dire moins douloureux, plus court donc moins dangereux, il faut un endroit familier et une parfaite intimité où la femme ne se sente pas observée ni contrôlée.

Pour ce faire, il faut lui rendre les lieux familiers bien avant son accouchement (quand elle n’accouche pas à la maison), il faut penser de petites salles de naissances, meublées simplement mais sans matériel médical, il faut y apporter un certain désordre, car le désordre renforce l’impression d’intimité, et tirer les rideaux, car on ne se sent pas observée dans le noir.

La lumière est un puissant stimulant du néocortex, cette partie du cerveau liée à l’intellect.

Or, dans un accouchement dit physiologique, c’est le cerveau ancien, lié à l’instinct, qui fonctionne et qui doit sécréter les hormones nécessaires aux contractions. À un certain stade du travail, la femme change d’état de conscience et donne l’impression de se couper du monde. Ce changement d’état de conscience est nécessaire à l’équilibre hormonal et ne doit pas être perturbé par une réactualisation du néocortex donc par une trop grande lumière. Les femelles des mammifères ne cherchent-elles pas des petits coins sombres pour mettre au monde leur progéniture ?

5. La liberté de mouvement

Si la femme est physiquement active durant le travail, son bébé est constamment en train de se repositionner dans l’utérus, de se réajuster et de descendre, ce qui le prépare à la naissance. En demandant à une femme de rester au lit et en réduisant sa liberté de mouvement, on augmente la nécessité d’intervenir.

Les deux positions les plus souvent choisies dons le monde sont l’agenouillement et l’accroupissement. Celles qui s’accroupissent ou s’agenouillent pour l’expulsion sont celles qui restent activent et bougent durant le travail. En redressant la femme, on lui donne le contrôle de son corps. On la fait passer du statut de patiente sur laquelle on réalise un accouchement à celui de femme ayant le pouvoir d’accoucher.

Lorsqu’elles ne sont pas gênées par des interventions médicales, les femmes savent instinctivement comment accoucher et elles le font à leur manière. Si on les laisse libres physiquement et émotionnellement, si elles ne sont pas obligées de prendre certaines positions, ni de se taire ou de se contrôler, si elles sont soutenues par un calme réconfort, par de la compréhension et de la tendresse, le travail progresse généralement facilement et spontanément.

6. Le silence

Un élément important d’une naissance douce, pour la mère comme pour le bébé, est le silence. Dans une atmosphère calme et silencieuse, Ia femme ne se laisse pas distraire et reste centrée sur elle-même. Elle passe alternativement d’une concentration profonde durant les contractions à un état plus léger entre elles. L’intimité et le silence accroissent sa résistance et sa capacité à se focaliser sur sa tâche qui est de mettre au monde son enfant. Le bavardage inutile du médecin ou de la sage-femme peut perturber le travail. Par ailleurs, un bébé qui naît dans un environnement silencieux n’est pas effrayé par l’intensité des sons et des voix.

7- La lumière tamisée

On l’a vu précédemment, la pénombre crée une atmosphère relaxante et intime dans laquelle la femme, centrée sur son corps, accouche plus facilement. Une faible lumière (bougie, cheminée) est idéale aussi pour les yeux de l’enfant. Dans une salle de naissance sombre, le nouveau né ouvre presque immédiatement les yeux, regarde sa mère et cet instant est inoubliable.

Les bébés qui naissent dans un atmosphère paisible, crépusculaire, sont plus calmes et plus éveillés que les autres.

Le réflexe d’éjection du foetus

Lorsqu’une femme accouche dans une parfaite intimité et selon «Ia méthode des mammifères», on assiste, au moment des dernières contractions précédant l’arrivée du bébé, à un réflexe d’éjection du foetus. Souvent, juste avant l’orage de la naissance, les femmes expriment une peur d’une façon plus ou moins directe (j’ai peur, je vais mourir, qu’est-ce que ce passe ?).

Si, pendant cette brève phase de transition, il n’y a aucune interférence et si la femme peut exprimer sa peur librement, les fortes contractions d’éjection surgissent dons toute leur efficacité. C’est ce que Michel Odent appelle « la peur physiologique ».

Lors de Ia dernière contraction, Ia future mère est souvent debout, penchée en avant, appuyée sur un meuble, suspendue à quelque chose ou à quatre pattes. Les déchirures sont très rares après un véritable réflexe d’éjection car les femmes trouvent des positions qui permettent une distension harmonieuses de la vulve.

Les soins du nouveau né

1. Le cordon

Si on laisse le nouveau-né relié à son cordon tant qu’il bat, Ia transition avec la respiration pulmonaire est progressive et douce. Tout en continuant à recevoir l’oxygène du placenta par le cordon, il commence à respirer par ses poumons et les remplit progressivement en s’adaptant à son nouvel élément. Il faut normalement 15 à 20 minutes pour que la circulation sanguine dans le cordon diminue puis s’arrête. Durant l’intervalle séparant sa naissance de la section du cordon, Ie nouveau-né est posé sur le ventre de sa mère.

S’il est mis dans les bras de sa mère, le bébé bénéficie immédiatement de Ia relation peau à peau. La femme le masse et le caresse. Ce geste simple a le pouvoir de calmer et d’apaiser un nouveau-né. Cela est bénéfique tant pour lu mère que pour le bébé, car ce sont les contacts peau à peau qui permettent de créer des liens indestructibles.

2. Le bébé au sein

Lors d’une naissance douce, ne pas se précipiter pour mettre le bébé au sein. Dès les premiers instants, celui-ci tourne la tête, sa bouche se contracte et s’arrondit, sa langue entre et sort. La mère et le bébé coordonnent instinctivement leur action, le bébé trouve le sein et se met à téter.

Michel Odent fait remarquer qu’il a pu observer des bébés nés à la maison, qui à l’âge de 3 heures ont déjà passé 2 heures à téter rigoureusement, des bébés qui gardent un contact peau à peau avec leur mère jour et nuit dans un lieu familier, des bébés qui, contrairement à cette idée généralement admise, ne perdent pas de poids dans les jours qui suivent leur naissance.

3. Le couple mère-bébé

La préoccupation majeure lors d’une naissance douce doit être de ne pas perturber le couple mère-bébé et de ne pas avoir d’attitude agressive envers le nouveau-né. Dans les hôpitaux, on est généralement pressé de couper le cordon ; on aspire le bébé, même s’il crie énergiquement, alors qu’il n’y a aucun inconvénient à le laisser crachoter des glaires pendant un jour ou deux. On évalue le «score d’Apgar», on lui met des gouttes dans les yeux, on le pèse, on recherche des malformations… puis on le sépare de sa mère pour qu’elle se repose. Toutes ces pratiques réduisent, de façon subtile, le contact mère-bébé.

Après une naissance naturelle, la mère est éveillée et consciente, dynamisée par l’accouchement et désireuse de passer du temps avec son bébé pour le toucher, le regarder, le nourrir, tandis que le bébé a besoin de la présence réconfortante de sa mère, de sa chaleur, de son contact, de sa voix, de son odeur. L’exaltation qu’éprouvent beaucoup de femmes après leur accouchement les aide à dépasser leur épuisement.

Conclusion

Nous avons essayé de montrer qu’une naissance naturelle n’est pas forcément douloureuse et insupportable, et que contrairement à une idée qui se répand de plus en plus rapidement, une femme peut accoucher sans péridurale, dans la ferveur et dans la joie. Ferveur de sentir son corps envahi par des forces qui le dépassent, ardeur de ce corps à se défendre efficacement et naturellement contre Ia douleur, joie immense d’être allé au bout de soi et d’en revenir avec cette merveille qui est un bébé.

Pour cela, il faut que les femmes retrouvent cette confiance en elles qu’elles ont perdue et cette certitude absolue qu’elles peuvent accoucher par leurs propres moyens. Qui la leur rendra ? Les sages-femmes bien sûr. En répondant à leurs questions, en répondant à leurs doutes en accompagnant discrètement un processus physiologique normal et non pas en essayant de le maîtriser à tout prix. Car c’est la maîtrise technologique qui a fait oublier aux femmes qu’elles sont des mammifères qui, pour donner naissance à leurs petits, ont besoin avant toute chose d’intimité, car l’intimité garantit la sécurité mais aussi permet d’exprimer librement ses sentiments et ses émotions. Un accouchement fait partie intégrante de Ia vie sexuelle de la femme. Un accouchement vivant est un accouchement au cours duquel tout le corps s’exprime jusque dans son animalité. Crier ou déféquer sont des réalités de l’accouchement qui choquent aujourd’hui Ia société aseptisée dans laquelle nous vivons.

Il appartient donc aux femmes de reprendre le contrôle de leur accouchement. Si elles sont décidées à demander ce qu’elles veulent pour elles et leurs bébés, on ne pourra pas le leur refuser.

Il leur appartient aussi de se regrouper pour faire entendre leur voix, pour faire changer les pratiques obstétricales, pour faire changer la façon de diriger les accouchements et de mettre au monde les bébés. Car les données rassemblées prouvent que les naissances douces (et notamment les naissances à la maison) sont désirées par les parents et sont, de plus, sans danger et raisonnables pour les bébés.

L’accouchement change la vie des femmes pour toujours. Il faut faire en sorte que ce changement aille dans un sens sain et positif pour elles et qu’il les conforte dans l’idée qu’elles sont faites pour avoir des bébés dans la dignité, le pouvoir et l’amour.