Par deux fois, les gynécologues qui ont examiné le bébé par échographie nous ont parlé de faire une amniocentèse, surtout si un résultat positif pouvait avoir des conséquences sur la suite de la grossesse. J'admets que, de prime abord,  je ne me sens pas capable, ni mon mari, d'assumer un bébé trisomique. Mais ce test m'effraie viscéralement, et j'aimerais tant trouver en moi la réponse, plutôt que d'aller faire irruption dans la bulle de mon bébé, avec tout le manque de confiance en lui que cela implique. J'aurais vraiment l'impression de le trahir en laissant faire cela. Pendant plusieurs jours, les questions se sont bousculées dans ma tête. D'un côté, je tiens à rassurer mon mari (et moi-même aussi), sur l'avenir de notre enfant. Les médecins ne peuvent pas se permettre d'être rassurants. Il reste toujours un doute. Je ne leur en veux pas; c'est leur rôle de diagnostiquer les problèmes. Mais je ne peux pas non plus me contenter de leur seul avis. C'est si choquant de s'en remettre aux machines et aux tests, alors que je suis persuadée que certaines personnes sont capables de trouver en elle de bien meilleurs diagnostics. Par ailleurs, pourrai-je vivre ma grossesse harmonieusement si je fais ce test ? N'est-ce pas là trahir tout ce que j'ai défendu jusqu'à présent ? N'est-ce pas le début d'un engrenage, où l'on va aller de plus en plus loin dans les tests et les examens ? J'essaie de toutes mes forces de rentrer en contact avec le bébé. Il bouge en moi (un peu ? normalement ? beaucoup ? je ne sais pas le dire). Mais il bouge à chaque fois que je pense à lui. La sage-femme me dit que son comportement ne l'inquiète pas, qu'il réagit bien, que son cœur est tonique. Moi qui étais inquiète depuis le début de ma grossesse, je me sens plus en confiance depuis le diagnostic de cette mauvaise circulation vers le placenta. Mais je ne me sens toujours pas capable d'assumer, si le bébé a vraiment un problème, à la naissance. Et puis, un soir, la réponse est venue d'elle-même, avec une force indescriptible : je ne ferai pas cet examen barbare. Je suis de plus en plus certaine que le bébé va bien, que l'on s'est beaucoup inquiétés pour pas grand chose. Je me sens si légère d'avoir pris cette décision. J'en ai des bouffées de bonheur qui m'envahissent. C'est si évident a posteriori, mais pourtant, ça m'a demandé un tel travail mental pour y arriver. Je me dis que j'étais vraiment aveugle. A présent, le bébé a enfin sa place dans notre vie, dans notre maison, dans notre famille. Notre aîné commence à lui faire plein de bisous. C'est certainement le meilleur signe ! Je repense à des prénoms, à sa chambre, à son berceau. Quel bonheur retrouvé ! Pour mon mari, c'est un peu plus difficile. A moi maintenant de lui partager toute ma confiance envers le bébé. Il semble accepter petit à petit cette décision, avec un peu de fatalisme dans la voix. Un élément objectif incontestable est quand nous avons réalisé ce que représentait un avortement à 6 mois. A vrai dire, nous avions toujours évité d'y penser. Certainement que, si le test avait été positif, notre bébé se serait battu comme un dragon (c'est son signe chinois !) contre la mort. Nous ne pourrions évidemment pas supporter cela, encore moins que l'arrivée d'un enfant trisomique. Cela nous permet de justifier notre décision, en cas de doute, ou vis à vis de notre entourage.

La mise au "repos forcé"

En examinant mon col, la sage-femme me prévient : il se modifie, je dois me surveiller. Dans les semaines qui suivent, j’ai plein de contractions, pas douloureuses, mais angoissantes, car je sens que le col évolue et, à 6 mois, c'est trop tôt. En plus, j’ai trop de tension. Dire que ma première grossesse a été sur des roulettes. Je n’y comprends rien... Est-ce à cause des angoisses vécues ces dernières semaines ? Est-ce cette grippe, qui m'a bien secouée, voici un mois ? Pas facile de trouver une cause objective à tout ceci. Mais il faut bien reconnaître que les messages de mon corps sont clairs : les contractions succèdent à la moindre incartade. Mon médecin me met au repos, sous hormones. Quand on vit sur les chapeaux de roues, avec un boulot passionnant et quand l'aîné continue d’aller à la crèche, c'est dur. C’est dur aussi de ne pas être la « super-femme enceinte », jolie, active, épanouie, celle que l'on voit dans les catalogues "Premaman"...

La toxémie ou pré-éclampsie

A sept mois, la sage-femme détecte de l'albumine dans mes urines. Ma tension a encore augmenté, et je dois voir un gynécologue. Ce dernier ne m’a rien expliqué du tout, et m’a juste imposé un repos allongée et arrêt de travail total. Un vrai coup de poing pour moi, qui espérais toujours aller mieux. Grâce à la sage-femme, j'évite toutefois l'hospitalisation. Sur prescription médicale, nous obtenons une "surveillance de grossesse à risque" à domicile.

Ma césarienne

Dix jours plus tard, tous les indicateurs sont au rouge. Heureusement que ma sage-femme me suivait de près ! A sa demande insistante, mon gynéco me revoit et c'est la césarienne sur le champs (sans mon mari, sans voir le bébé). La veille, j'ai eu un pressentiment extrêmement fort, qui me disait : "Sylvie, maintenant, arrête de te voiler la face et accepte ce que l'on te proposera, sinon tu vas mourir". Grâce à la surveillance de ma sage-femme (je dirais même son instinct), la naissance de Joséphine n'a eu lieu ni trop tôt (je n'aurais jamais accepté cette séparation), ni trop tard (je n'ai pas eu d'éclampsie et me suis remise très très vite). La petite Joséphine, adorable et pleine de vie, ne pesait que 1kg200 (à 7 mois ½). C’est un trop petit poids pour son terme, mais qui montre aussi qu’elle s’était préparée à naître. Le placenta, analysé plus tard, était à terme. La césarienne a été un passage moralement très dûr, un véritable arrachement de bébé à mon corps, mais je crois que j'en ai vite fait mon deuil. Par contre, le pire de tout, auquel je ne m’étais pas du tout préparée, furent les sept longues semaines en centre néo-natal, que je vous raconte plus loin dans ce site, avec un cri de révolte.